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JULIEN CLERC : ETAPE LOS ANGELES
Confidences de Jean Schultheis

Si le concert de Vancouver le 29 avril fut réussi, mais plutôt tranquille côté salle, il n'en fut pas de même le lendemain à San Francisco. Dans le très sévère Herbst Theatre, le fan club nord-américain de Julien Clerc semblait s'être donné rendez-vous. Les acclamation entre chaque chanson et les " Vas-y juju ! " ou les " On t'aime ! ! " ont ponctué un récital plutôt joyeux. Qu'en sera t'il ce soir 1er mai à Los Angeles où le passage de Julien Clerc a pris dès son arrivée des allures très… hollywoodiennes : photographes, agitation, limousine. Mais tout ça est si banal par ici...


A quelques mètres de là, c'est avec un œil plutôt serein que son pianiste et arrangeur de longue date, Jean Schultheis, observait la scène. Pourtant, celui dont l'essentiel de la carrière musicale s'est déroulé dans l'ombre du gratin de la chanson française, a lui aussi touché du doigt la médiatisation à outrance pour cause de méga-tube. Lorsque chaque soir, Julien Clerc entame " Confidences pour confidences ", les Français du public semblent bien se souvenir de ce titre qui, en 81, avait expédié Jean Schultheis au sommet des charts et sur le devant de la scène. Célébrité fulgurante pour un des musiciens et arrangeurs les plus demandés depuis 20 ans. Avec Julien Clerc et le guitariste Hervé Brault, Jean Schultheis est ces jours-ci " on the road ". Il nous parle de cette expérience vécue en fond de scène.

Quel a été votre travail sur " Entre Nous " ? Un travail de réécriture ?
Oui, il a fallu réécrire. Il s'agissait de faire un vrai travail de réduction, d'arrangement. Un vrai travail d'illusionniste. Il fallait faire en sorte qu'à deux musiciens, plus Julien, on créé une formule un peu fragile, un peu magique sans que ce soit ridicule ou indigent. Au départ, j'avais un concept pour chaque chanson. Ce concept a souvent été modifié sur le tas parce qu'on s'est aperçu qu'il fallait mieux faire ça un octave au-dessus ou en-dessous, ou que sur scène, il y a des passages entre instruments qui ne sont pas possibles, etc. De plus, tout doit plaire à Julien avant toute chose. Ca m'arrive de lui présenter des choses qu'il n'aime pas et on discute. Mais Julien, de son propre aveu, est limité dans son jeu de piano, donc on ne pouvait pas lui faire faire des acrobaties. De plus, je voulais qu'on voit plus les musiciens travailler sur scène ce qu'on voit peu finalement.

Vous avez écrit pour de nombreux artistes mais jamais pour Julien Clerc ?
Non, pour la bonne raison qu'il aurait fallu que j'écrive des textes parce qu'il écrit toutes ses musiques. Dans la chanson "Je suis planté ", la musique est d'Astor Piazzolla mais c'est une exception.

Est-ce que la chanson vous manque ?
Oui et non. Oui, parce que c'est extrêmement satisfaisant de chanter mais à condition qu'on puisse chanter ce qu'on veut… Ce n'était pas parti pour que je puisse faire exactement ce que j'avais envie de faire. Donc, dans ce sens, ça ne me manque pas. Je ne voulais pas d'un chemin imposé.

Et ce fameux tube, il vous a rendu service ou non ?
Les deux. Ca a été agréable pour plein de raisons. Mais ça m'a coupé de mon métier de musicien. On m'a soudain vu comme un chanteur et plus comme un musicien. J'ai arrêté de pratiquer mon métier du jour au lendemain, mon métier de musicien. Alors qu'ici en Amérique du nord, le fait de chanter n'implique pas de délaisser une activité pour une autre. En France, c'est instantané.

Dans une entrevue de 1985, vous parlez du complexe anglo-saxon des artistes français. Pensez-vous qu'il a toujours cours aujourd'hui ?
Non, il a beaucoup moins cours je trouve. Les Français ont pris de l'assurance. A tel point qu'on est en avance sur eux pour un tas de choses. Et ces jours-ci, je peux en parler savamment surtout en ce qui concerne la sonorisation de spectacle. Contrairement aux idées reçues, le matériel qu'on a eu sur cette tournée jusqu'à maintenant n'était pas terrible. Surtout pour un spectacle si exigeant en matière de son.



(photo : Jean avec l'ingénieur du son, Aldo Pedron)

Vous avez travaillé avec de nombreux chanteurs, Le Forestier, Lama, Clerc. Qu'en est-il des plus jeunes générations ?
C'est sûr que je ne travaille pas avec les plus jeunes. C'est aussi un phénomène bien français de ne pas mélanger les tranches d'âge. Maintenant, ce sont mes fils (Julien et Olivier, ndlr) qui travaillent avec les jeunes artistes. Pour eux, ça marche très bien. Ca serait extraordinaire que je travaille avec quelqu'un comme Sinclair par exemple. Ce sont plutôt mes fils qui vont faire ça.

Aimeriz-vous travailler avec Sinclair ?
Ah oui. Mais celui avec lequel j'aimerais beaucoup travailler, c'est quelqu'un de ma génération. C'est Alain Bashung. J'adore ce qu'il fait et c'est un des rares avec lequel je n'ai jamais rien fait. De toutes façons, ces derniers temps je n'ai travaillé qu'avec Julien. Mais c'est très bien de travailler avec lui. C'est une excellente vitrine, une excellente carte de visite. Ses chansons sont belles et classieuses. Il a du talent et on peut vraiment faire quelque chose de bien avec lui. Mais ça devient une étiquette qui m'empêche un peu de faire autre chose. On croit que je ne fais que ça et rien d'autre. Et même si depuis un an et demi, je suis concentré sur "Entre nous", j'aimerais bien faire un peu autre chose.

Cette tournée américaine de Julien Clerc est-elle différente ?
Complètement différente ! On est très étonnés du taux de remplissage des salles. Et même s'il y a beaucoup de Français, il y a quand même pas mal d'anglophones. On est très heureux que ça marche comme ça.

Et comment imaginez-vous la tournée asiatique qui suit ?
Alors ça, c'est le grand point d'interrogation. Ca devrait être une tournée fatigante mais très agréable. En Asie, tout peut arriver.

Propos recueillis par Catherine Pouplain
Photos : CP